lignes de crètes

Impressions sur papier, 2015

Dans les rayonnages d’une bibliothèque, une série de livres, dispersés parmi d’autres. A l’intérieur, des pages pliées comme autant de repères qu’un lecteur appliqué a laissés au fil de son cheminement. Parce qu’elle aboutit à masquer le texte, cette manière d’arpenter l’espace est pour le moins surprenante.

Si l’on fait pivoter le livre et qu’on isole un feuillet, le sens passe au second plan et la page devient support d’une image. Les plis des pages, leurs superpositions évoquent alors de manière minimale et schématique un paysage montagneux, suggèrent une ligne de crêtes faite de multiples escarpements, de couches de sédiments, de pics abrupts et de pentes vertigineuses et inaccessibles. Au cœur de cette géographie, voyelles et consonnes couvrent les cimes et les versants, dégringolent en cascades le long des crevasses ou moutonnent aux sommets. Si la page est un cosmos ordonné, le voici singulièrement bouleversé ! Dissimulés dans les plis, discours et récits se retrouvent en suspens, éclipsés au profit de signes graphiques quasi abstraits qui se dressent tel un sphinx au milieu de la page.

Les paysages alpins qui surgissent ainsi rendent manifeste le besoin de se saisir de la matière pour inscrire une expérience et être en capacité d’y revenir. Et l’on se prend à imaginer que l’on pourrait déchiffrer ces lignes de crêtes et dresser la carte des intensités qu’une lecture singulière a fait naître, en faisant correspondre à chaque pli sa nécessité.